VIGILANCE II

Thibault : « Ne pas fermer la porte aux gaz de schiste »

INTERVIEW – Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, revient pour le JDD sur les mesures écologiques annoncées par le gouvernement.

L’annonce de la fermeture de Fessenheim fin 2016 vous choque-t-elle?

Je regrette effectivement cette annonce, qui est précipitée. Elle confirme un engagement du président de la République, mais elle a lieu alors que le débat sur la transition énergétique n’a même pas débuté. Nous ne devons pas anticiper sur les conclusions qui pourraient en sortir. N’excluons rien avant que ce débat ait été suffisamment poussé. L’objectif commun qui s’impose à la planète tout entière, quelles que soient les opinions des uns et des autres, c’est une réduction des émissions de C02.

François Hollande a dit que tous les emplois seraient préservés. Vous y croyez?

Cette fermeture ne sera acceptable que si elle est socialement gérable. On parle un peu trop aisément de reconversion professionnelle sans mesurer ce que cela veut dire. Des personnes exerçant des métiers depuis des décennies ne peuvent pas forcément se reconvertir dans une activité alternative. Quant aux emplois verts, dont on parle souvent, permettez-moi d’être très réservé sur leur nature. Ce classement, qui sous-entend que tous les emplois n’étant pas estampillés « verts » seraient pollueurs, est aberrant. Il faut simplement faire en sorte que toute activité productive ait des impératifs environnementaux.

En plus de Fessenheim, les Verts réclament l’arrêt le plus rapidement possible d’autres réacteurs, et celui de la construction de l’EPR à Flamanville…

Ne tournons pas autour du pot. Nous n’avons pas d’alternative crédible dans l’hypothèse d’une fermeture accélérée de nos centrales nucléaires. Si c’était le cas, la France s’amputerait d’outils de production d’énergie électrique avec des conséquences sociales et économiques très lourdes. Mais chacun a conscience qu’on est là dans une problématique politique qui met en jeu les relations entre partis formant la majorité présidentielle. Il ne faudrait donc pas que la solution apportée à certains problèmes soit seulement le résultat de coalitions plus politiques qu’efficaces pour l’avenir du pays. Tous les éléments d’appréciation doivent être mis sur la table et présentés aux Français avant de faire des choix uniquement idéologiques.

En l’occurrence, la porte vient de se refermer brutalement sur l’exploitation des gaz de schiste.

Je peux rejoindre le président de la République sur un constat : il n’est pas envisageable d’aller vers une exploitation rapide de ces gaz à partir des techniques existantes. Mais nous ne devons pas fermer la porte aux recherches dans le domaine de l’énergie, y compris pour les gaz de schiste. Investissons au moins pour explorer. S’il s’avère, à partir de recherches incontestables, pour des raisons environnementales ou de sécurité, qu’il n’est pas souhaitable d’extraire ces gaz, cela ne me pose pas de problème. Mais renoncer à l’exploration est un peu inquiétant. Nous allons finir, alors que notre pays a de véritables atouts énergétiques, par être de plus en plus dépendants dans ce domaine.

Richard Bellet – Le Journal du Dimanche samedi 15 septembre 2012

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